© Du silence au mensonge,
des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés. ®
des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés. ®
Du silence au mensonge
Prologue
Fin août 198*.
La buée gagne maintenant la majeure partie du carreau. Le jardin disparaît peu à peu sous un épais brouillard. Les yeux dans le vide — accoudé sur l’appui de la fenêtre, le front collé à la vitre — j’attends que s’écoule cet après-midi.
Les vacances d'été se terminent.
Dans la propriété des grands-parents, les temps de lecture ont été entrecoupés de parties de tennis, de croquet, de jeux de société. Nous sommes aussi allés à la plage, lorsque le temps le permettait, comme chaque année depuis que j’ai arrêté le scoutisme.
Oui, j’ai pu aussi passer ma Préparation Militaire Supérieure, grâce à ma réussite pour la Préparation Terre… médaillée d’or et mes temps donnés pour l’instruction. Avec en sus deux périodes parachutistes pour changer un peu d’air, je suis physiquement plutôt en forme. J’ai la confiance et l’amitié du capitaine. Je sais que je vais pouvoir poursuivre sans souci cette formation.
Il y a eu aussi la semaine passée chez la cousine Aude et son frère Antoine : on y a fêté mes dix huit ans.
Ah, le camp vélo en Périgord… entre amis… réussi, mais sans m’enchanter pour des raisons que mon cœur qui a ses raisons… ne souhaite pas les soumettre à ma raison… Merci Blaise Pascal de Mons, de me complaire dans cette brume affective !
Les souvenirs sont bons, tous comptes faits. Deux mois de vacances pas si classiques !
Lundi, la rentrée. Je repique ma première scientifique.
13 et 15 au bac de français… j’ai refusé le passage en terminale économique qui m’était proposé.
Pourquoi ?
Il n'y a toujours pas de baccalauréat littéraire dans ce lycée que je déteste.
Aucun désir de travailler dans cette école : envie de rien, si ce n’est le plaisir d’engloutir deux ou trois bibliothèques entières. Il me faut vraiment une année supplémentaire de repos où je n’aurai pas de souci scolaire. Je me suis tant battu avec moi-même que me voici fatigué et seul.
Si seul.
Paul — mon cher cousin — m’a abandonné voici trois ans, après tant d’années formidables : il s’intéresse depuis davantage à mes frères aînés, ainsi qu'aux autres cousins qu’il avait jugés plus matures à l’époque.
La famille n'a rien compris et ne comprendra jamais rien. Elle me montre du doigt, prenant mon refus de passer en classe supérieure pour un échec, et cela fait de moi le cancre de la famille.
Ah, j’ai mes bouquins, le parachutisme…
Je suis au meilleur de ma forme intellectuelle et physique !
Pour l’affectif, c’est moins joyeux.
Deux grands amis ont déménagé au loin. Les lettres ne remplacent pas une présence et une chaleur qui me manque aujourd’hui.
Solitude étrangère… amours impossibles ?
Oui, pour couronner cette triste liste de misères, Anne — la jolie Anne, sœur de François-Xavier, pour qui j’avais un faible penchant — m’a quitté pour Matthieu de Thierron… S'il est moins beau que moi, et fort peu cultivé, il est vrai qu’il a davantage de fortune !
Anne ?
Elle représentait mon intégration sociale, l'assurance familiale de ma conformité avec la société.
« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » me souffle Pangloss.
D’un revers de manche j’essuie pour la troisième fois le carreau.
Il est 16 heures à la cloche de l'église du village.
Déjà… enfin ?
Comme hier, personne ne viendra maintenant.
Je vais aller bouquiner le Barjavel… ou plutôt un des deux Maurice Leblanc achetés ce matin, pour compléter ma collection. Montherlant attendra. Un vrai héros, ce Lupin !
La cloche de la grille me sort d'une torpeur dans laquelle je me glissais peu à peu. Deux personnes remontent l’allée vers la maison.
Tiens ! Des scouts… des chefs certainement, vu leur âge.
C’est encore pour demander un lieu de camp aux parents… que nous leur prêtions un bout de pâture près du bois.
“Ils ne sortent vraiment pas de la cuisse de Jupiter” ces deux-là… Grands et maigres. Le plus petit, c’est Jérôme, et l’autre, Richard. De loin, ils avaient une certaine allure dans leurs uniformes ; de près, ils sont plutôt risibles : rangers sales sur d’épais bas crème, vieux pantalon de velours marine coupé au-dessous du genou — sans ourlet — avec le poignard type commando à la ceinture… La chemise délavée regorge d’écussons et de badges mal cousus. J’apprécie de même le foulard plié à la Renaud, fermé par un nœud de vache. Pour terminer en beauté il faut ajouter le magnifique béret basque posé sur une banane protubérante… Ah oui, la barbe est d’au moins quatre jours.
Le résultat n’est pas triste.
Si… cela me semble triste.
Maman les accueille. Dérangée dans la cuisson de ses confitures, elle me laisse bien vite en leur compagnie : cette visite est pour moi, ils me souhaitent comme assistant chef scout.
Je les invite à passer au jardin. Nous y serons mieux pour discuter.
Nous nous assoyons.
Cyril est déjà prévenu pour nous apporter un jus de fruits.
Je les regarde l’un, l’autre.
Je les dévisage… et plus encore.
Ils ne me sont pas inconnus, ces deux gars : Quand j’étais louveteau lors du grand camp en Auvergne, ils campaient eux aussi, mais chez les scouts, à côté de nous.
C’était il y a pas mal d’années… je garde en mémoire de très mauvais souvenirs de bizutages.
Et il faudrait que je devienne leur assistant ?
Richard se présente comme “le grand chef”. Il paraît disposé à la conversation.
- — Alors, maman me dit que vous souhaitez m’avoir comme assistant ?
- — Ouais, voilà. Avec Jérôme, on a repris les scouts il y a un an. On était aidés par Christophe Tablet ; tu t’en souviens peut-être ? Il était scout aussi…
Si je m’en souviens ?
Encore un bizuteur
de première classe.
Lui ne doit pas avoir oublié
une célèbre bagarre
au château de B **-en-Artois.
Quelques jeunes scouts
ont été vengés ce soir-là !
Encore un bizuteur
de première classe.
Lui ne doit pas avoir oublié
une célèbre bagarre
au château de B **-en-Artois.
Quelques jeunes scouts
ont été vengés ce soir-là !
- — Mais il est parti maintenant pour s’occuper des louveteaux avec Isabelle. À deux, pour moi et Richard, c’est trop de boulot et on n’est pas très doués pour certains trucs comme la religion et aller voir les gens : le social, quoi.
- — C’est vrai, on est plutôt des hommes de terrain à deux… Il nous faudrait un gars “qui sait parler aux gens”.
- — On a entendu par Deconte — le chef de groupe — que tu étais peut-être prêt à reprendre du service… alors on vient te chercher.
- — Qu’est-ce que tu en penses ?
L’offre est formulée.
Venant d’inconnus, pourquoi pas ? Avec plaisir, même !
Mais la perspective de me retrouver avec eux deux… ne me plaît guère. Tout le monde les considère comme de “pauvres types” inintéressants, fort portés sur l’alcool et peu constants dans leurs actions.
Je ne les trouve pas beaux et leur vulgarité ne dissimule aucune culture. Aucun potentiel aussi.
Cependant, l’aventure proposée me permettrait peut-être d'aller plus loin que les premiers regards sans désirs ? Au-delà de ces deux personnages sans aucune envergure, il y a certainement la richesse des rencontres avec les autres scouts… J'y ai vécu, enfant et jeune adolescent, de délicieux temps de découvertes et de plaisirs avec quelques amis formidables !
Je suis certainement assez fort du haut de mes dix-huit ans pour me sentir libre — malgré la présence de ces deux compères — afin de donner de moi-même à d’autres jeunes qui entrent après moi dans l’adolescence et qui aspirent au plaisir et au beau dans la nature !
- — Considérez que je suis d’accord.
Je n’ai jamais été chef, et cela fait deux ans déjà que j’ai arrêté le scoutisme… parce que les chefs étaient des frustrés en échec de l'armée et devenus des fachos en colonie de vacances !
- — Avec nous c’est pas pareil, hein, Jérôme ?
- — On veut du scoutisme comme sur les vieilles photos, comme c’était autrefois à D **.
- — Ouais. On veut être de vrais scouts et faire plein d’activités.
Je n’ai pas vraiment eu ma réponse…
Vivre un scoutisme de qualité,
"à l’ancienne"…
Comme j’en rêvais ?
Retrouver les ambiances
à la Jean-Louis Foncine
où à la Serge Dalens…
Ces amitiés particulières
si chère à la collection
Signes de Piste !
Vivre un scoutisme de qualité,
"à l’ancienne"…
Comme j’en rêvais ?
Retrouver les ambiances
à la Jean-Louis Foncine
où à la Serge Dalens…
Ces amitiés particulières
si chère à la collection
Signes de Piste !
Je me souviens de mon dernier "vrai" camp scout. Des installations faites par nous-mêmes, où nous étions aussi bien qu’à la maison… Les levées des couleurs, la promesse, les grands jeux, la randonnée où nous avions confectionné un magnifique herbier… La nuit des totémisations ! Je n’oublie pas.
J’avais pleuré chaudement cette nuit là, lors de la veille de feu. Il y avait Bernard, ce jeune assistant chef si mystérieux, si rayonnant… si empli de connaissances… dont j'étais tombé amoureux.
Moi, Philippe… j’étais devenu Guépard Ardent, alias Oie Tapageuse…
Il me faudrait écrire tout un roman pour me présenter !
Aussi, me sentais-je enfin si libre, si léger ?
Dans cette nature où nous avions décidé et construit des règles de vie partagées par tous, l'ambiance était saine et belle comme jamais plus je ne l’ai rencontrée jusqu’à maintenant.
J’avais peut-être — à cette époque — compris le sens de la vie, trouvé réellement une voie. J’étais prêt à conquérir l'univers… comme Ulysse, et à revenir l'annoncer à ceux que j'aime.
J’étais dans un monde qui me convenait, vivant en toute innocence, sincère… heureux, entouré de personnes aimables.
Nous vivions notre quête du beau dans la recherche volontaire. Le corps et l’esprit pouvaient ainsi se développer en harmonie avec l’affectif.
Que de souvenirs…
Mais hélas, le départ de Bernard a de nouveau tout détruit. Ce fut aussi la montée chez les aînés. Cela redevenait du médiocre : la galère.
Un retour sur moi-même. Je me réfugiais dans ma tour…
Je n’ai pas eu la chance de poursuivre la route dans l’esprit espéré.
Ce jeune chef de passage avait su nous donner la direction à suivre. Un vrai scoutisme — une école de vie à la recherche de l'amour humain — sur un chemin tracé par lord Baden-Powell.
La vie à venir, après ces expériences très riches me semblait devoir être celle des chevaliers de la paix !
Avec Jérôme et Richard, est-il envisageable d’être de nouveau engagé comme scout, et de reprendre la route pour la tracer à d'autres ?
Je doute fort qu’il soit facile de réussir la mission d’un chef : l’épanouissement des jeunes à travers les difficultés de l'adolescence ; les faire grandir dans un idéal : en faire des adultes bien dans leur peau, vivants et responsables du monde qui les entoure…
J’aimerais pouvoir les inviter à vivre des moments merveilleux et intenses comme je les ai aussi dévorés dans les Signes de Piste.
Hélas, à la vue de mes deux "chefs", j’ai bien peu d’espoir.
Si je dis oui, cela voudra dire que mon éducation scoute m’a solidement forgé pour transmettre un idéal.
Comme je n’ai guère d’autres occupations qui m'enchantent…
Comme je n’ai rien à perdre dans cette proposition…
Comme j'ai tout à apprendre et tout à donner…
J’accepte de tenter l’aventure.
J’avais pleuré chaudement cette nuit là, lors de la veille de feu. Il y avait Bernard, ce jeune assistant chef si mystérieux, si rayonnant… si empli de connaissances… dont j'étais tombé amoureux.
Moi, Philippe… j’étais devenu Guépard Ardent, alias Oie Tapageuse…
Il me faudrait écrire tout un roman pour me présenter !
Aussi, me sentais-je enfin si libre, si léger ?
Dans cette nature où nous avions décidé et construit des règles de vie partagées par tous, l'ambiance était saine et belle comme jamais plus je ne l’ai rencontrée jusqu’à maintenant.
J’avais peut-être — à cette époque — compris le sens de la vie, trouvé réellement une voie. J’étais prêt à conquérir l'univers… comme Ulysse, et à revenir l'annoncer à ceux que j'aime.
J’étais dans un monde qui me convenait, vivant en toute innocence, sincère… heureux, entouré de personnes aimables.
Nous vivions notre quête du beau dans la recherche volontaire. Le corps et l’esprit pouvaient ainsi se développer en harmonie avec l’affectif.
Que de souvenirs…
Mais hélas, le départ de Bernard a de nouveau tout détruit. Ce fut aussi la montée chez les aînés. Cela redevenait du médiocre : la galère.
Un retour sur moi-même. Je me réfugiais dans ma tour…
Je n’ai pas eu la chance de poursuivre la route dans l’esprit espéré.
Ce jeune chef de passage avait su nous donner la direction à suivre. Un vrai scoutisme — une école de vie à la recherche de l'amour humain — sur un chemin tracé par lord Baden-Powell.
La vie à venir, après ces expériences très riches me semblait devoir être celle des chevaliers de la paix !
Avec Jérôme et Richard, est-il envisageable d’être de nouveau engagé comme scout, et de reprendre la route pour la tracer à d'autres ?
Je doute fort qu’il soit facile de réussir la mission d’un chef : l’épanouissement des jeunes à travers les difficultés de l'adolescence ; les faire grandir dans un idéal : en faire des adultes bien dans leur peau, vivants et responsables du monde qui les entoure…
J’aimerais pouvoir les inviter à vivre des moments merveilleux et intenses comme je les ai aussi dévorés dans les Signes de Piste.
Hélas, à la vue de mes deux "chefs", j’ai bien peu d’espoir.
Si je dis oui, cela voudra dire que mon éducation scoute m’a solidement forgé pour transmettre un idéal.
Comme je n’ai guère d’autres occupations qui m'enchantent…
Comme je n’ai rien à perdre dans cette proposition…
Comme j'ai tout à apprendre et tout à donner…
J’accepte de tenter l’aventure.
————————————— notes :
[1] Flot : petit ruban de tissu à la couleur de la patrouille (équipe de 6 à 8 garçons ou filles) - distinctions pour prix divers…
[2] Staff : nommé aussi Flamme. Petit drapeau en tissu aux couleurs de la patrouille avec au recto l’animal et au verso, la croix scoute. Il est normalement porté au bout d’un beau bâton de marche. Le C.P. (chef de patrouille) en a généralement la charge. Le plus souvent la patrouille porte le nom de l'animal au singulier.
[1] Flot : petit ruban de tissu à la couleur de la patrouille (équipe de 6 à 8 garçons ou filles) - distinctions pour prix divers…
[2] Staff : nommé aussi Flamme. Petit drapeau en tissu aux couleurs de la patrouille avec au recto l’animal et au verso, la croix scoute. Il est normalement porté au bout d’un beau bâton de marche. Le C.P. (chef de patrouille) en a généralement la charge. Le plus souvent la patrouille porte le nom de l'animal au singulier.
Si vous préférez tourner les pages d'un livre réel ou virtuel et participer à la vie de l'auteur… financièrement,
n'hésitez pas, achetez son livre en quelques clics :
n'hésitez pas, achetez son livre en quelques clics :
Vous aimez ?
Osez partager…
Merci !
Osez partager…
Merci !
®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
|