®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
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Du silence au mensonge
Chapitre II
Jean-Brice, c’est décidément un petit bonhomme qui me plaît. Il a un vrai potentiel. Je le retrouve au collège, pendant les récréations. Il vient me voir avec Pierre-Olivier. Il se veut passionné et passionnant. Intelligent, l’œil vif, il serait heureux s’il n’avait pas le grand complexe d’être très petit et non développé pour ses quatorze ans. Cela semble le traumatiser à juste titre… et ne devrait pas aller en s’arrangeant si la puberté tarde trop encore. Ses parents ne semblent pas vouloir se préoccuper de cette croissance tardive qui crée un réel handicap.
Premier de sa classe, il est suivi de près par le beau Pierre-Olivier. Lui, c’est l’opposé : il est grand… mûr à point ! Sa puberté vécue en étrange complicité avec sa mère qui l'expose à ses amies… comme « son petit homme » en fait un personnage très sûr de lui. Il n’a pas conscience de son arrogance souvent blessante. Même si la frontière avec la jalousie n’est pas loin, il est cependant le symbole, l’image pour Jean-Brice, son unique copain — son seul ami — qu'il ne veut pas voir comme un amour impossible : son égocentrisme, sa morale et son intelligence réellement supérieure — qu’il n’hésite pas à affirmer — ne lui permettent pas d'avoir des amitiés particulières.
J’ai l’air de les intéresser. Si mon niveau scolaire les déçoit tout à fait (je double ma première), ils me trouvent tout de même assez “valable”, peut-être même utile. Ils apprécient mon allure, ma sensibilité et sont vraiment séduits par ma passion pour la littérature, la philosophie qu’ils ne connaissent que très peu et mon plaisir à étudier toujours davantage l'Histoire et les petites histoires, notamment à travers les documents généalogiques.
J’ai le droit régulièrement à leurs exposés sur leurs lectures et aussi sur la musique, classique notamment. Je les laisse toujours à leur grand étonnement bien loin derrière moi : cela rentre aussi dans mes sujets de prédilection !
À chaque récréation, lorsque c’est possible, ils me retrouvent, heureux d’être avec un “grand”… et nous discutons de tout et de rien. Je suis moi-même satisfait d’être avec eux. Même s’ils sont un peu plus jeunes que moi, ils sont de qualité ; “les relations de travail” de ma classe sont si peu intéressantes !
Il y a cependant Julien, le frère de Jean-Brice. Dès notre première discussion il m’est apparu comme sympathique, intelligent et beau. Il a un an de moins que moi. Je l’ai rangé dans les amis potentiels. Amoureux des jeux, il m’entraîne parfois vers les vidéos de café. Il m’a proposé de découvrir son ordinateur personnel… peut-être le seul existant sur la ville ! Il y a installé ses propres jeux où il règne en maître. Je fais connaissance de sa chambre et m’initie à « Sorcery + » et à bien d’autres jeux.
Nous nous apprécions mutuellement.
Je lui fais part aussi de mon goût pour la stratégie… de ma connaissance certaine des jeux de plateau.
Dans le magazine Jeux et Stratégie — cette lecture qui deviendra commune — nous découvrons aussi les « wargames » et les « jeux de rôles ». Il germe en nous l’idée de créer un groupe, ou plutôt une “guilde” pour rester dans la tradition médiévale.
Il n’est pas trop difficile de réunir quelques adeptes : Michaël en seconde, François et Philippe dans notre classe. À cinq, nous sommes en mesure d’établir quelque chose de sérieux.
En quelques semaines « La guilde du lys d’or » prend forme. Elle naît pour de bon dans le garage de Julien, un vendredi soir. Nous sommes tous les deux les maîtres du jeu. Diplomatie ou Diplomacy — règles modifiées — devient notre premier jeu, puis viendra l'Appel de Cthulhu, Fief… et bien d'autres encore avec quelques membres nouveaux, dont Frédéric et François aussi cooptés par Julien ou moi.
Premier de sa classe, il est suivi de près par le beau Pierre-Olivier. Lui, c’est l’opposé : il est grand… mûr à point ! Sa puberté vécue en étrange complicité avec sa mère qui l'expose à ses amies… comme « son petit homme » en fait un personnage très sûr de lui. Il n’a pas conscience de son arrogance souvent blessante. Même si la frontière avec la jalousie n’est pas loin, il est cependant le symbole, l’image pour Jean-Brice, son unique copain — son seul ami — qu'il ne veut pas voir comme un amour impossible : son égocentrisme, sa morale et son intelligence réellement supérieure — qu’il n’hésite pas à affirmer — ne lui permettent pas d'avoir des amitiés particulières.
J’ai l’air de les intéresser. Si mon niveau scolaire les déçoit tout à fait (je double ma première), ils me trouvent tout de même assez “valable”, peut-être même utile. Ils apprécient mon allure, ma sensibilité et sont vraiment séduits par ma passion pour la littérature, la philosophie qu’ils ne connaissent que très peu et mon plaisir à étudier toujours davantage l'Histoire et les petites histoires, notamment à travers les documents généalogiques.
J’ai le droit régulièrement à leurs exposés sur leurs lectures et aussi sur la musique, classique notamment. Je les laisse toujours à leur grand étonnement bien loin derrière moi : cela rentre aussi dans mes sujets de prédilection !
À chaque récréation, lorsque c’est possible, ils me retrouvent, heureux d’être avec un “grand”… et nous discutons de tout et de rien. Je suis moi-même satisfait d’être avec eux. Même s’ils sont un peu plus jeunes que moi, ils sont de qualité ; “les relations de travail” de ma classe sont si peu intéressantes !
Il y a cependant Julien, le frère de Jean-Brice. Dès notre première discussion il m’est apparu comme sympathique, intelligent et beau. Il a un an de moins que moi. Je l’ai rangé dans les amis potentiels. Amoureux des jeux, il m’entraîne parfois vers les vidéos de café. Il m’a proposé de découvrir son ordinateur personnel… peut-être le seul existant sur la ville ! Il y a installé ses propres jeux où il règne en maître. Je fais connaissance de sa chambre et m’initie à « Sorcery + » et à bien d’autres jeux.
Nous nous apprécions mutuellement.
Je lui fais part aussi de mon goût pour la stratégie… de ma connaissance certaine des jeux de plateau.
Dans le magazine Jeux et Stratégie — cette lecture qui deviendra commune — nous découvrons aussi les « wargames » et les « jeux de rôles ». Il germe en nous l’idée de créer un groupe, ou plutôt une “guilde” pour rester dans la tradition médiévale.
Il n’est pas trop difficile de réunir quelques adeptes : Michaël en seconde, François et Philippe dans notre classe. À cinq, nous sommes en mesure d’établir quelque chose de sérieux.
En quelques semaines « La guilde du lys d’or » prend forme. Elle naît pour de bon dans le garage de Julien, un vendredi soir. Nous sommes tous les deux les maîtres du jeu. Diplomatie ou Diplomacy — règles modifiées — devient notre premier jeu, puis viendra l'Appel de Cthulhu, Fief… et bien d'autres encore avec quelques membres nouveaux, dont Frédéric et François aussi cooptés par Julien ou moi.
* * *
Ce qu’il nous faut penser du petit camp de Riboncourt ? Bien peu de choses… si ce n’est pour moi le commencement d’une chute vers le fond de l’abîme.
Il y a tout d’abord la préparation : le samedi matin, avec les chefs et cheftaines des autres branches nous mettons au point le partage des tâches.
Les parents de Christophe, qui tiennent une boucherie, fournissent toute la nourriture, les scouts se chargent du matériel de camp, les guides doivent s'occuper de la préparation de la messe, et enfin les louveteaux, ou tout du moins leurs chefs prennent la difficile responsabilité d’organiser les jeux.
La veillée est à la charge de tous. Ce devra être un superbe camp, le premier inter-branches depuis cinq ans.
À seize heures, nous décollons après avoir difficilement préparé les malles et les avoir chargées. Nous recevons l’heureuse aide de monsieur Chamars avec sa remorque. Madame, de son côté, s’est efforcée de faire payer les scouts et de vérifier les assurances sous l’œil grognard de Jérôme.
Certains ne payent pas, mais cela devrait aller. Les parents de Christophe ont leur compte. Tout le budget ou presque est pour l’alimentation.
Alors que tous les scouts sont là, s’est ajouté un nouveau à la bande : Sébastien, un grand blond frêle et timide, déjà en tenue scoute ; ainsi que David Frais, une espèce de petite crapule avec blouson clouté sur le dos et paquet de Marlboro en poche. Il fait à peine douze ans mais il nous promet bien du plaisir !
- — C’est important d’augmenter les effectifs, me dit Richard. Deux scouts de plus, c’est toujours bon à prendre.
Nous arrivons à Riboncourt vers seize heures trente. Il faut nous installer. Le château est assez joli : très grand corps de bâtiment à deux étages, en briques et pierres, avec deux ailes dans la longueur. Une bâtisse XVIIème inhabitable et inhabitée actuellement. Seul un “gérant” logeant dans une partie des communs, s’occupe de menues restaurations.
La pâture face au château est assez vaste. Les quelques arbres nous assurent le bois mort pour les feux. Tous ensemble, filles et garçons s’essayent à montent les tentes canadiennes mâtées. Monsieur Chamars reste pour une aide éventuelle. D’autres parents se joignent à lui et ce ne sera pas inutile : le matériel est plutôt triste. Les louveteaux, seuls se débrouillent, mais les guides, les scouts et même les quatre malheureux pionniers ne peuvent se permettre de rejeter le secours proposé de si bon cœur.
Parmi mes scouts, seuls Sébastien et Frédéric s’avèrent capables de monter une tente. Jean-Brice et Pierre-Olivier, malgré beaucoup de bonne volonté se montrent bien peu manuels. Les autres s’agitent et chahutent sous les regards bienveillants de Jérôme et Richard qui les appellent pour faire un béret.
La nuit ne va pas tarder à tomber, il est grand temps de se consacrer au dîner. Les scouts s’en occupent ; je dois les surveiller. Les chefs préparent le jeu de nuit.
Après avoir confisqué les cigarettes de David Frais qui ne se gêne pas pour me traiter de tous les noms, je propose à Sébastien de faire avec moi le tour des tentes afin de les retendre, les vérifier. C'est l'occasion de prendre un premier contact avec cet adolescent qui semble sympathique. De visite chez les cuistots, quel n’est pas mon désarroi de constater que les nouilles ont été versées dans l’eau froide… la casserole posée sur un feu inexistant.
- — Tu n’as jamais fait de nouilles pendant les autres camps, P.O ? Ce n’est pas si compliqué !
- — C’est comme ça que l’on m’a dit… le feu ne veut pas prendre. J’ai bien un briquet, mais y a plus de papier…
- — On n’a qu’à manger des chips, dit Grégory. les nouilles en camp, ça colle toujours, c’est comme le riz !
Dur le repas !
Je constate que Jean-Brice n’est pas non plus doué pour la cuisine. Malgré de la bonne volonté, les nouilles collantes, le jambon et le camembert ne nourrissent pas beaucoup…
Le pain se substitue à un plat principal !
Après une rapide vaisselle à l’eau froide et à la lampe torche, Richard nous annonce le grand jeu de nuit. C’est une vague chasse à l’homme avec prisonniers. Les équipes se forment ; seuls jouent les scouts et les pionniers. Les autres font une veillée. David Frais se met avec les grands, les scouts se scindent en deux.
Jérôme s’explique :
- — C’est un jeu simple qui doit durer environ une heure et demie à deux heures. Il faut respecter les règles pour que tout se passe bien…
Une demi-heure d’explications confuses pour un jeu au final de très courte durée : moins de trois quarts d’heure après le début de l’action, les disputes sont si violentes que le coucher est demandé par tous. Il est près de vingt-trois heures.
C’est bien difficile d’assurer un couchage sérieux étant donné le degré d’excitation des jeunes. Les chefs me confient cette tâche pendant qu’ils préparent le jeu de piste et la messe de Dimanche…
J’ai du séparer les jumeaux. Un est couché sous mon double-toit ; avec des menaces de représailles sévères, j’ai peut-être une chance qu’il ne bouge plus. David Frais s’est enfui chez les pionniers. Il n’a pas trop bien accepté que je lui confisque son deuxième paquet de cigarettes… et il n’a pas supporté que je lui interdise de cracher dans la tente. Cela ne plaisait pas trop à ses collègues embarqués dans la même galère.
Les autres scouts essayent de dormir.
Jérôme me retrouve dans la tente des chefs alors que je m’apprête à me coucher. Il y a un bal au village. Si cela ne me dérange pas, les louveteaux dorment avec chefs et cheftaines. Je n’ai que les scouts et les guides à garder. Ce n’est pas pour trop longtemps…
Ils reviennent vers quatre heures du matin. Jérôme a reçu un coup sur la tête ; il n’est pas très bien, des voyous l’ont agressé, il y a eu une bagarre à coup de bouteilles de bière… C’est pour cela qu’ils sont rentrés si tôt !
La nuit se termine avec un réveil bien difficile pour les chefs qui ronflent encore alors que les scouts gambadent déjà dans le champ. Les feux chauffent grâce à mon “zip”. Il y a quelques chances que le petit-déjeuner se passe bien. David se “rase la barbe” avec les pionniers. Nous sommes tranquilles pour quelques temps.
Si le pain est de la veille, le chocolat brûlant fait du bien et la bonne humeur est au rendez-vous. Alors que nous finissons une toilette sommaire, les chefs émergent de leur tente. Il est grand temps de débuter le jeu de piste.
Les talents d’Isabelle — la cheftaine louveteaux — nous sont dévoilés : malgré le peu de moyens, malgré l’immobilisme des autres chefs, elle nous présente un jeu sympa, bien préparé, style “jeu de l’oie” grandeur nature. Il se déroule dans une bonne ambiance. J’avais proposé de placer les chefs non occupés dans chaque équipe ; cela m’a permis de bien m’amuser avec les scouts et louveteaux qui m’accompagnaient. Le jeu s’achève bien, et pendant que certains s’activent aux fourneaux, d’autres finissent la préparation de la messe ainsi que des montées. Les pionniers sont chargés d’installer autel et croix… avec beaucoup de difficultés. Heureusement, je donne l'idée de prendre deux malles, posées l'une sur l'autre avec une nappe : cela fera l’affaire.
Le repas se passe bien, si ce n’est vers la fin, la violente dispute entre Richard et Christophe au sujet de la comptabilité : la nourriture est trop limitée par rapport à l’argent donné…
On vide les fonds de caisse et l’on propose d’aller acheter des œufs et des tomates pour faire une petite omelette supplémentaire.
Lorsque Jérôme revient des courses il est quatorze heures passées ; les scouts ont déjà terminé la vaisselle du repas frugal et attendent la cérémonie de la messe et des montées en commençant le lever du camp.
C’est enfin décidé : Franck est autorisé, malgré son jeune âge à monter aux scouts (Isabelle et Christophe souhaitaient le garder). Hélas, les jumeaux nous sont donnés aussi, sans problème alors qu’ils sont plus jeunes encore (ils n’ont pas onze ans) !
Cela me semble ridicule. Je n'ai pas envie de faire de la garderie.
Quatorze heures trente, l’omelette se prépare… Les parents et l’aumônier devraient arriver d’ici un quart d’heure.
La messe est prévue pour quinze heures.
Le “deuxième service” est à peine terminé par les chefs, quelques scouts et les pionniers, qu’il leur faut — non sans regrets — se diriger vers l’autel afin de nous rejoindre autour de l’abbé Breton.
C’est, j'ose le dire, une très belle messe.
Corentin sait nous mettre en harmonie… Il est artisan de paix, quelle que soit l’assemblée. Il a le don de ne pas trop nous imposer des idées de Dieu, pas toujours simples à comprendre, mais il a l'art de nous unir autour de Jésus… un personnage aimable, que je trouve passionnant de questions.
Malgré l’absence des pionniers après quelques minutes, la célébration se déroule sans incidents, ainsi que la montée des louveteaux aux scouts. Un semblant de rituel, une passation de flamme et un échange de foulards… Voilà les jumeaux et Franck “adoptés” par les scouts.
Il est grand temps de penser alors au rangement ; tant bien que mal sont entassées tentes et gamelles sales — l’omelette a bien brûlé le fond des poêles — dans les voitures et la remorque des parents. Tout le matériel est “ballé” une demi-heure plus tard dans le local pour un rangement assuré le week-end prochain.
Comment se satisfaire d’un pareil désastre ? Et pourtant les jeunes ne paraissaient pas déçus.
Peut-on seulement les nommer scouts ?
Ils n’en ont ni l’apparence, ni l’esprit. Pour eux, un week-end sans les parents, c’est toujours bon à prendre. Leur notion du scoutisme s’arrête là, n’ayant rien vu d’autre.
Si le scoutisme se résume à cinq parties de béret, un jeu de nuit, un jeu de l’oie agrémenté d’une messe… très peu pour moi. J’ai l’impression de faire fausse route. Ma place ne doit pas être ici.
Je n’ai vraiment que peu de chance.
Je devais m’en douter quelque peu.
Ah, si les scouts de D** ne marchent pas comme je l’espérais, je puis me débrouiller pour prendre mon indépendance progressive vis-à-vis de Jérôme et Richard. Les scouts ont l’air de m’apprécier ; rien ne m’empêche de prendre un jour le large.
Vers le
Chapitre III
Chapitre III
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