®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Du silence au mensonge
Chapitre III
La réunion de ce samedi, je ne l’attends pas avec le même plaisir que la première. J’espère un réel démarrage, des activités scoutes : passer des brevets, préparer des promesses, donner des projets… Les chefs ne sont pas du même avis :
Jérôme nous annonce un nouveau week-end pour la semaine prochaine.
Alors nous reformons trois nouvelles patrouilles, en gardant les mêmes noms d’animaux, Richard décide que nous prenions chacun la charge d’une patrouille pour la mener à bien : nous devons être le chef du chef de patrouille afin de lui montrer le bon chemin, l’aider dans sa tâche !
Je “reçois” la patrouille des loups blancs avec Jean-Brice comme C.P. Par bonheur elle n’a pas été démantelée, et Sébastien est arrivé en renfort de Grégory et de Pierre-Olivier.
Je pense avoir beaucoup de chance cette fois.
Chaque chef doit préparer sa malle pour l’expédition. À l’étage où tout est entreposé il n’y a plus grand-chose. Je m’aperçois que les chefs ont “squatté” les lieux : parmi les tentes éparses, se trouvent des couvertures, des duvets, des bouteilles… Une forte odeur de vin froid flotte dans la pièce. Ils ont dû dormir ici la veille.
Ce n’est pas bien grave après tout !
Ce qui m’inquiète le plus, c’est de trouver de quoi coucher douze scouts et leurs chefs… les autres branches se sont déjà servies.
Après des recherches vaines pour assembler des tentes en état, nous nous rabattons sur des modèles 1959, à toile unique et à lacets pour les fermetures, dont l’étanchéité me laisse sceptique.
J’espère qu’il fera beau…
Richard est ravi :
Tout cela finalement, je m’en moque : j’ai une patrouille « à moi » et je compte la conduire à la réussite, que nous soyons heureux.
Pour le matériel, le plus important c’est finalement le staff et les flots, nous fait comprendre Richard. (Il a oublié cette fois de parler du béret).
Nous œuvrons tous avec passion et finalement le résultat est assez propre. Pour peu d’argent, chaque scout possède la “tenue réglementaire”. Il manque encore à certains le béret ou les bas crème. Nous avons encore huit jours. Je propose à ma patrouille de compléter le matériel de base — la liste de Richard ne va pas plus loin que tente, gamelles, pelle-bêche et bassine — par divers objets utiles pouvant nous assurer le meilleur des camps.
Nous mettons au point avec mes patrouillards, une liste et chacun devra apporter pour le week-end diverses choses (scie, allumettes, papier journal, thé, sucre et café).
Pendant que nous nous affairons, madame Chamars, arrivée depuis peu, s’occupe des assurances impayées ?!
Elle tente aussi de récupérer l’argent du week-end de Riboncourt. Pour le camp départemental, la ville de D** nous prête gracieusement un bus. C’est une corvée pour moi en moins : pas de voiture à demander. Tout est prêt pour le grand jour… pour un camp dont je ne sais rien : un vulgaire prospectus — mal reproduit à la photocopieuse — de bienvenue à Glisy, l’aérodrome d’Amiens… pour le plus grand week-end scout du département…
Encore l’aventure ?
Et quelle aventure !
Très dure, l’arrivée.
Notre troupe est bien ridicule. L’accoutrement cocasse de ses chefs : Richard et Jérôme avec les rangers toujours aussi sales aux pieds et le poignard à la ceinture, moi-même, dans mon bermuda bleu marine… et la troupe avec les pauvres staffs bricolés de dernière minute et flots bigarrés rencontre un accueil plutôt glacial. Notre uniforme non réglementaire nous cause quelques réflexions désobligeantes… mais si le reste encore suivait !
Nous n’avons pas de bois pour préparer les repas, pas de W-C. à monter…
Nous devions présenter une réalisation originale et nous n’apportons rien si ce n’est notre tenue extravagante au milieu de cette foule assez soignée.
Il n'y a même pas une certaine uniformité dans nos douze scouts.
Nous prenons un rapide dîner, avalé sans grand plaisir. C’est la troupe de Péronne, à côté de nous, qui s’est chargée de nous le réchauffer. Les tentes sont montées par trois scouts et moi… les autres chahutent.
La veillée est ratée : la pluie s’est mise à tomber. C’est dommage !
Nous gagnons nos tentes, non sans plaisir, après avoir supporté pendant une heure trente les fréquents arrêts des groupes électrogènes. Le gros rouleau de scotch à toile est le bienvenu. Les “tentes 59” montées sous le soleil ont changé d’aspect. Nous devons songer à colmater les fuites.
Comme Richard a oublié la tente qu’il devait prendre pour la maîtrise, chaque chef doit dormir avec la patrouille à charge. Je n’y vois que des avantages… L'occasion de discuter au calme et de faire plus ample connaissance avec mes scouts.
La nuit se passe. Entre quelques averses nous parvenons à dormir, prêts le lendemain pour affronter le dimanche.
Au petit jour, il ne fait pas trop beau mais la menace de pluie s’est estompée. Le lever est rapide car beaucoup de duvets sont fort humides, voire trempés.
Mon “zip” fait toujours des miracles, et mon petit réchaud assure un thé supplémentaire pour la patrouille. La troupe peut attaquer la journée avec un bon chocolat chaud dans le ventre. Rien de tel pour mettre tout le monde de bonne humeur.
Pas de toilette. Nous devons lancer les scouts dans un grand jeu : Scoutopoly. C’est un Monopoly revisité, “grandeur nature”. Les cases “Rue” sont remplacées par des épreuves diverses sur les différents brevets scouts et les badges… Probablement de quoi intéresser quelques scouts curieux, si c’est bien organisé.
Pendant que les jeunes jouent, les chefs vont se promener.
En balade, passant près des tentes réservées aux organisateurs du week-end je suis happé par Jérôme Lévy, un grand chef ? Le grand chef en vérité : responsable au niveau du département ou de la province !
Le savon que l’on me passe est bien dosé :
Je ne suis pas scout… les tenues bigarrées du groupe, le camp mal monté sans discipline en est la preuve. C’est contre la pédagogie. Ma place n’est pas ici. Je me retrouve parachuté responsable des scouts de D ** et de leur attitude.
Ne connaissant rien de la pédagogie scoute en général, et n’ayant pas été formé chef, je ne puis cependant encaisser les affronts à mon égard sans me révolter : un uniforme ne peut pas être la cause unique du manquement à la discipline… ce serait ridicule.
Jérôme n’est pas méchant. Il est même assez faible et craintif, un grand barbu maigre…
Cela se corse avec l’arrivée de Marie-Odile, son épouse. Jean-Brice vient de me rejoindre avec son staff. Je pensais me retrouver avec mon C.P., plus fort ?
Pas vraiment, bien au contraire !
J’ai l’honneur d’être de nouveau sermonné et traité de tous les noms. Marie-Odile me conseille tout bonnement de « dégager ». Ma présence dans le mouvement n’est que néfaste.
Ne me donnant pas la possibilité de m’expliquer, le couple de commissaires cesse son attaque verbale. Ils me tourne le dos, partent et me laisse retourner déconfit au campement.
Je suis bien démoralisé, prêt à baisser les bras. Mon orgueil ou plutôt ma fierté ou l’inverse… ne peut me permettre de paraître abattu. Les scouts ne sont pas au courant de cette affaire, si ce n’est Jean-Brice.
Auprès du feu — quelques groupes nous ont donné un peu de bois — je retrouve mes chefs, tous deux en pleine effervescence : Richard brûle sa carte de membre du scoutisme, et Jérôme m’annonce sa démission.
C’est trop risible. Eux deux, avec le poignard commando à la ceinture, avec leur banane réserve à clopes, et affublés d’un béret basque ils m’expliquent n'importe quoi sur quelques détails du règlement, pour conclure que le scoutisme est fasciste. Nous aurions perdu les valeurs fondamentales.
J’acquiesce sans les comprendre. Ils sont eux-mêmes le reflet, l’image de la décadence de notre société. Leur déguisement ne fait pas le chef ; ils n’ont en aucune mesure l’allure et l’esprit de ce qui est certainement demandé à un pédagogue scout. Sans réelles valeurs, que représentent-ils ?
Il faudrait plutôt s'inquiéter pour le déjeuner. Les trois quarts des scouts se baladent, le repas est servi pour ceux présents.
Je constate que nous avons deux invités de la Croix Rouge… d’après leurs tee-shirts.
Chaque groupe se doit de prendre à charge une partie des bénévoles présents sur le camp.
L’un des deux secouristes, gros petit monsieur de quarante ans environ, la figure épaisse derrière de grosses lunettes noires, entame avec la maîtrise une conversation sur le scoutisme d’aujourd’hui.
Bien que tous fument beaucoup, je décide de me joindre au groupe. Ce sujet brûlant m’intéresse.
Il parle bien, très bien même. Les traditions, le respect de l’église, de la foi… la volonté de faire le bien — la B.A. — l’idéal du scoutisme : ni laxiste, ni paramilitaire.
Il nous explique combien aujourd’hui les scouts en général sont loin de tout cela.
Sur certains sujets, je suis tout à fait d’accord avec lui. Pour le reste, sa démonstration est irréprochable.
C’est alors qu’il nous raconte son passé scout : ancien chef scout dégoûté par la tournure des événements depuis une dizaine d’années, il est parti dans un autre mouvement où il a trouvé sa voie.
Je suis stupéfait d’entendre cela.
J’ai devant moi un “espion” d’un autre organisme scout avec son assistant.
Que fait-il ici ?
Il m’explique alors qu’il est ici en tant que civil, détaché de la Croix Rouge de D ** où il est le président, afin de venir rendre service. Cela l’amusait de revenir dans le mouvement en tant qu’invité.
Devant cet étonnant personnage, je ne puis m’empêcher de lui faire part de mon désenchantement pour le scoutisme. J’ai reçu un affront sans retour possible : ma motivation pour le scoutisme est dans les négatifs. Il me comprend, et m’explique le désespoir qu’il a lui aussi déjà ressenti :
Ils sont tous prêts pour la messe.
Je laisse cet étonnant personnage pour rejoindre les scouts. La célébration commence. Je ne cesse de penser aux paroles de ce bonhomme. Plus le temps s’écoule et plus je suis persuadé qu'il m'est impossible de rester dans ce mouvement où je pense trahir mon idéal de vie. Le temps de la messe me permet d'imaginer d'autres horizons. J'ai tout mon temps pour réfléchir.
Comment puis-je me retrouver au milieu de tous ces gens ? Je suis bien incapable de me sentir impliqué par le prêche du prêtre. Corentin n'a pas de frère jumeau. Je ne pense qu’à partir ; quitter ce scoutisme où je ne me plais pas.
Le week-end se termine et le retour à la maison se passe bien vite : sans chercher à discuter… un bon bain et au lit !
Jérôme nous annonce un nouveau week-end pour la semaine prochaine.
- — C’est un superbe camp départemental. Nous devrions être plus de cinq cents, toutes branches confondues. Cinq cents garçons et filles ! Dans des tenues impeccables.
- — D** doit être très représentatif, dit Richard : short bleu marine (alors que la couleur officielle est marron), le béret (surtout le béret basque !) et une chemise bleu roi, si possible achetée sur le catalogue… avec les flots des patrouilles…
- — Il ne faut pas oublier le staff avec l’animal qui a été choisi, coupe Jérôme.
Alors nous reformons trois nouvelles patrouilles, en gardant les mêmes noms d’animaux, Richard décide que nous prenions chacun la charge d’une patrouille pour la mener à bien : nous devons être le chef du chef de patrouille afin de lui montrer le bon chemin, l’aider dans sa tâche !
Je “reçois” la patrouille des loups blancs avec Jean-Brice comme C.P. Par bonheur elle n’a pas été démantelée, et Sébastien est arrivé en renfort de Grégory et de Pierre-Olivier.
Je pense avoir beaucoup de chance cette fois.
Chaque chef doit préparer sa malle pour l’expédition. À l’étage où tout est entreposé il n’y a plus grand-chose. Je m’aperçois que les chefs ont “squatté” les lieux : parmi les tentes éparses, se trouvent des couvertures, des duvets, des bouteilles… Une forte odeur de vin froid flotte dans la pièce. Ils ont dû dormir ici la veille.
Ce n’est pas bien grave après tout !
Ce qui m’inquiète le plus, c’est de trouver de quoi coucher douze scouts et leurs chefs… les autres branches se sont déjà servies.
Après des recherches vaines pour assembler des tentes en état, nous nous rabattons sur des modèles 1959, à toile unique et à lacets pour les fermetures, dont l’étanchéité me laisse sceptique.
J’espère qu’il fera beau…
Richard est ravi :
- — On est vraiment des scouts comme autrefois. Rien ne vaut ces bonnes vieilles tentes. Nous on n’est pas des “bourges”, comme les autres !
Tout cela finalement, je m’en moque : j’ai une patrouille « à moi » et je compte la conduire à la réussite, que nous soyons heureux.
Pour le matériel, le plus important c’est finalement le staff et les flots, nous fait comprendre Richard. (Il a oublié cette fois de parler du béret).
Nous œuvrons tous avec passion et finalement le résultat est assez propre. Pour peu d’argent, chaque scout possède la “tenue réglementaire”. Il manque encore à certains le béret ou les bas crème. Nous avons encore huit jours. Je propose à ma patrouille de compléter le matériel de base — la liste de Richard ne va pas plus loin que tente, gamelles, pelle-bêche et bassine — par divers objets utiles pouvant nous assurer le meilleur des camps.
Nous mettons au point avec mes patrouillards, une liste et chacun devra apporter pour le week-end diverses choses (scie, allumettes, papier journal, thé, sucre et café).
Pendant que nous nous affairons, madame Chamars, arrivée depuis peu, s’occupe des assurances impayées ?!
Elle tente aussi de récupérer l’argent du week-end de Riboncourt. Pour le camp départemental, la ville de D** nous prête gracieusement un bus. C’est une corvée pour moi en moins : pas de voiture à demander. Tout est prêt pour le grand jour… pour un camp dont je ne sais rien : un vulgaire prospectus — mal reproduit à la photocopieuse — de bienvenue à Glisy, l’aérodrome d’Amiens… pour le plus grand week-end scout du département…
Encore l’aventure ?
Et quelle aventure !
Très dure, l’arrivée.
Notre troupe est bien ridicule. L’accoutrement cocasse de ses chefs : Richard et Jérôme avec les rangers toujours aussi sales aux pieds et le poignard à la ceinture, moi-même, dans mon bermuda bleu marine… et la troupe avec les pauvres staffs bricolés de dernière minute et flots bigarrés rencontre un accueil plutôt glacial. Notre uniforme non réglementaire nous cause quelques réflexions désobligeantes… mais si le reste encore suivait !
Nous n’avons pas de bois pour préparer les repas, pas de W-C. à monter…
Nous devions présenter une réalisation originale et nous n’apportons rien si ce n’est notre tenue extravagante au milieu de cette foule assez soignée.
Il n'y a même pas une certaine uniformité dans nos douze scouts.
Nous prenons un rapide dîner, avalé sans grand plaisir. C’est la troupe de Péronne, à côté de nous, qui s’est chargée de nous le réchauffer. Les tentes sont montées par trois scouts et moi… les autres chahutent.
La veillée est ratée : la pluie s’est mise à tomber. C’est dommage !
Nous gagnons nos tentes, non sans plaisir, après avoir supporté pendant une heure trente les fréquents arrêts des groupes électrogènes. Le gros rouleau de scotch à toile est le bienvenu. Les “tentes 59” montées sous le soleil ont changé d’aspect. Nous devons songer à colmater les fuites.
Comme Richard a oublié la tente qu’il devait prendre pour la maîtrise, chaque chef doit dormir avec la patrouille à charge. Je n’y vois que des avantages… L'occasion de discuter au calme et de faire plus ample connaissance avec mes scouts.
La nuit se passe. Entre quelques averses nous parvenons à dormir, prêts le lendemain pour affronter le dimanche.
Au petit jour, il ne fait pas trop beau mais la menace de pluie s’est estompée. Le lever est rapide car beaucoup de duvets sont fort humides, voire trempés.
Mon “zip” fait toujours des miracles, et mon petit réchaud assure un thé supplémentaire pour la patrouille. La troupe peut attaquer la journée avec un bon chocolat chaud dans le ventre. Rien de tel pour mettre tout le monde de bonne humeur.
Pas de toilette. Nous devons lancer les scouts dans un grand jeu : Scoutopoly. C’est un Monopoly revisité, “grandeur nature”. Les cases “Rue” sont remplacées par des épreuves diverses sur les différents brevets scouts et les badges… Probablement de quoi intéresser quelques scouts curieux, si c’est bien organisé.
Pendant que les jeunes jouent, les chefs vont se promener.
En balade, passant près des tentes réservées aux organisateurs du week-end je suis happé par Jérôme Lévy, un grand chef ? Le grand chef en vérité : responsable au niveau du département ou de la province !
Le savon que l’on me passe est bien dosé :
Je ne suis pas scout… les tenues bigarrées du groupe, le camp mal monté sans discipline en est la preuve. C’est contre la pédagogie. Ma place n’est pas ici. Je me retrouve parachuté responsable des scouts de D ** et de leur attitude.
Ne connaissant rien de la pédagogie scoute en général, et n’ayant pas été formé chef, je ne puis cependant encaisser les affronts à mon égard sans me révolter : un uniforme ne peut pas être la cause unique du manquement à la discipline… ce serait ridicule.
Jérôme n’est pas méchant. Il est même assez faible et craintif, un grand barbu maigre…
Cela se corse avec l’arrivée de Marie-Odile, son épouse. Jean-Brice vient de me rejoindre avec son staff. Je pensais me retrouver avec mon C.P., plus fort ?
Pas vraiment, bien au contraire !
J’ai l’honneur d’être de nouveau sermonné et traité de tous les noms. Marie-Odile me conseille tout bonnement de « dégager ». Ma présence dans le mouvement n’est que néfaste.
Ne me donnant pas la possibilité de m’expliquer, le couple de commissaires cesse son attaque verbale. Ils me tourne le dos, partent et me laisse retourner déconfit au campement.
Je suis bien démoralisé, prêt à baisser les bras. Mon orgueil ou plutôt ma fierté ou l’inverse… ne peut me permettre de paraître abattu. Les scouts ne sont pas au courant de cette affaire, si ce n’est Jean-Brice.
Auprès du feu — quelques groupes nous ont donné un peu de bois — je retrouve mes chefs, tous deux en pleine effervescence : Richard brûle sa carte de membre du scoutisme, et Jérôme m’annonce sa démission.
C’est trop risible. Eux deux, avec le poignard commando à la ceinture, avec leur banane réserve à clopes, et affublés d’un béret basque ils m’expliquent n'importe quoi sur quelques détails du règlement, pour conclure que le scoutisme est fasciste. Nous aurions perdu les valeurs fondamentales.
J’acquiesce sans les comprendre. Ils sont eux-mêmes le reflet, l’image de la décadence de notre société. Leur déguisement ne fait pas le chef ; ils n’ont en aucune mesure l’allure et l’esprit de ce qui est certainement demandé à un pédagogue scout. Sans réelles valeurs, que représentent-ils ?
Il faudrait plutôt s'inquiéter pour le déjeuner. Les trois quarts des scouts se baladent, le repas est servi pour ceux présents.
Je constate que nous avons deux invités de la Croix Rouge… d’après leurs tee-shirts.
Chaque groupe se doit de prendre à charge une partie des bénévoles présents sur le camp.
L’un des deux secouristes, gros petit monsieur de quarante ans environ, la figure épaisse derrière de grosses lunettes noires, entame avec la maîtrise une conversation sur le scoutisme d’aujourd’hui.
Bien que tous fument beaucoup, je décide de me joindre au groupe. Ce sujet brûlant m’intéresse.
Il parle bien, très bien même. Les traditions, le respect de l’église, de la foi… la volonté de faire le bien — la B.A. — l’idéal du scoutisme : ni laxiste, ni paramilitaire.
Il nous explique combien aujourd’hui les scouts en général sont loin de tout cela.
Sur certains sujets, je suis tout à fait d’accord avec lui. Pour le reste, sa démonstration est irréprochable.
C’est alors qu’il nous raconte son passé scout : ancien chef scout dégoûté par la tournure des événements depuis une dizaine d’années, il est parti dans un autre mouvement où il a trouvé sa voie.
Je suis stupéfait d’entendre cela.
J’ai devant moi un “espion” d’un autre organisme scout avec son assistant.
Que fait-il ici ?
Il m’explique alors qu’il est ici en tant que civil, détaché de la Croix Rouge de D ** où il est le président, afin de venir rendre service. Cela l’amusait de revenir dans le mouvement en tant qu’invité.
Devant cet étonnant personnage, je ne puis m’empêcher de lui faire part de mon désenchantement pour le scoutisme. J’ai reçu un affront sans retour possible : ma motivation pour le scoutisme est dans les négatifs. Il me comprend, et m’explique le désespoir qu’il a lui aussi déjà ressenti :
- — Quand on cherche à se donner à fond et que d’autres vous en empêchent, il y a de quoi se révolter.
Ils sont tous prêts pour la messe.
Je laisse cet étonnant personnage pour rejoindre les scouts. La célébration commence. Je ne cesse de penser aux paroles de ce bonhomme. Plus le temps s’écoule et plus je suis persuadé qu'il m'est impossible de rester dans ce mouvement où je pense trahir mon idéal de vie. Le temps de la messe me permet d'imaginer d'autres horizons. J'ai tout mon temps pour réfléchir.
Comment puis-je me retrouver au milieu de tous ces gens ? Je suis bien incapable de me sentir impliqué par le prêche du prêtre. Corentin n'a pas de frère jumeau. Je ne pense qu’à partir ; quitter ce scoutisme où je ne me plais pas.
Le week-end se termine et le retour à la maison se passe bien vite : sans chercher à discuter… un bon bain et au lit !
Il me faut changer d’horizon.
Arrêter le scoutisme ?
Je ne pense pas que ce soit
la meilleure des solutions :
malgré cet essai plus que décevant,
je me rends compte que s’occuper
de plus jeunes
est une tâche passionnante,
bien que très difficile.
Il faut savoir les encourager,
les considérer,
les aider,
les aimer :
leur permettre de progresser
tout en faisant abstraction
au maximum
de soi-même,
de ses propres problèmes.
Il nous faut être chef pour eux
et non pour nous.
Il y a d’autres mouvements scouts,
je n’ai que dix-huit ans.
Arrêter le scoutisme ?
Je ne pense pas que ce soit
la meilleure des solutions :
malgré cet essai plus que décevant,
je me rends compte que s’occuper
de plus jeunes
est une tâche passionnante,
bien que très difficile.
Il faut savoir les encourager,
les considérer,
les aider,
les aimer :
leur permettre de progresser
tout en faisant abstraction
au maximum
de soi-même,
de ses propres problèmes.
Il nous faut être chef pour eux
et non pour nous.
Il y a d’autres mouvements scouts,
je n’ai que dix-huit ans.
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Chapitre IV
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Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
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Tous droits réservés.
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Auteur : Yves Philippe de Francqueville
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