®© Du silence au mensonge,
des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe
Tous droits réservés.
Du silence au mensonge
Chapitre I
Ma première réunion est fixée pour dans huit jours. Richard m’a envoyé l’invitation que tous les scouts ou aspirants scouts ont reçue. C’est une mauvaise copie ronéotypée présentant un vague dessin d’un jeune en jeans avec son blouson à l’épaule, vu de dos. Il regarde vraisemblablement quelques tentes éparses en second plan. Le tout est accompagné d’une légende manuscrite :
« Si tu veux l’aventure,
viens nous rejoindre avec tes copains au local des scouts,
place de l’église, à 14 heures ».
Le foulard du groupe n’est plus le même. Ma chemise a été donnée par ma mère à un cousin fraîchement monté à la Troupe. De toute façon, elle ne m’allait plus.
Jérôme, bien gentiment m’a prêté les deux pièces manquantes. Avec un grand plaisir je retrouve dans mes cartons à trésors tous les souvenirs des derniers camps.
Peu de photos malheureusement, mais tout s’entrechoque dans ma mémoire lorsque je prends mon vieux foulard et sa bague, mon dizainier — que j’avais abandonné — et aussi mes badges, ma croix de promesse.
Ah, ces camps d’été : les Vosges, le Bourget où nous étions des milliers avec l’accueil du Pape, le Cantal, le Jura… que d’aventures. C’était une superbe époque. Des chefs à la hauteur pour proposer des jeux grandioses, ainsi que des services comme la soirée pour les habitants d’Anost : avec les aînés et les louveteaux ! Deux heures de spectacle et des crêpes offertes au public… ça, c’était du boulot !
François, Raphaël, Laurent et le chef, Bernard, aussi… oui…surtout !
Beaucoup, énormément de souvenirs qui me donnent un très grand espoir.
J’arrive le samedi vers treize heures trente — à vélo — avec ma tenue. Ma mère m’a cousu un revers sur un vieux pantalon bleu qu’elle a coupé bien au-dessus du genou. J’apporte avec moi quelques bouquins de chants et mon livre de route retrouvé parmi tous mes trésors.
Le local est toujours à côté de l’église — dans l’impasse qui mène au collège — avec sa porte trop basse, où tout le monde se cogne la tête.
Rien n’a vraiment changé depuis mon départ il y a bientôt deux ans. La rivière est toujours aussi sale, des orties pour tout ornement. Il y a aussi la vieille carcasse de la deux chevaux, ainsi que la charrette que j'ai vu tirée par un âne… souvenirs grandioses abandonnés des aînés. Cela fait bien cinq ans ou plus qu’elles gisent là, dans notre pâture…
Le paysage m’est bien familier : les fenêtres du collège donnent sur le terrain.
Trois scouts sont déjà arrivés ; remontant de la rivière, ils viennent à ma rencontre.
C’est le plus petit, à l’œil vif, qui se lance :
C'est Pierre-Olivier qui vient de prendre la parole. Je serre les mains tendues et tente d’en placer une. Ai-je trouvé plus bavard que moi ? Me voilà devant deux intellectuels et un endormi. La patrouille des Loups Blancs — un nom davantage utilisé pour une sizaine(1) — a fière allure.
Je me remémore la patrouille des Castors dans la bande dessinée… j’essaie de placer des totems sur les têtes de ces trois jeunes… non c’est trop cocasse. Dans leur parodie d’uniforme, je pense qu’il est impossible de leur trouver quelque chose de commun, même pas un insigne cousu de la même manière… Vous parlez d’une uniformité ?
Je me présente : Philippe de Bourlon… un ancien scout de retour. Non pas ici pour être chef, mais assistant… proposé pour aider Jérôme et Richard.
C’est la principale activité des scouts dans ce local : la rénovation.
De nouvelles têtes en vue. C’est le reste de la troupe je suppose.
Les jumeaux : deux gamins trop jeunes et chahuteurs ; Bruno, un gars sans relief dont je n’arrive pas à fixer le regard ; André Malé, un petit prétentieux. Arrivent aussi Serge et Frédéric, difficiles à cerner, et Franck, un louveteau attiré par les scouts : un blond espiègle et bagarreur.
La mini-troupe semble au complet… sans les chefs.
Je commence bien mon boulot.
À part les jumeaux qui semblent vraiment trop enfants et pénibles, j’ai finalement le sentiment qu’il y a de quoi faire la base pour une bonne troupe scoute.
Il ne faut surtout pas parler uniforme : pas une seule chemise ou pantalon et short n’ont la même couleur. Ne parlons pas non plus de leurs fameux bérets basques !
En attendant les chefs — souhaitant faire plus ample connaissance — nous nous assoyons sur le trottoir pour discuter.
Enfin arrivent les chefs, dans leur vieille 403 aux couleurs du groupe : bleu et blanc, le groupe Notre Dame…
Qui le sait encore ?
Pas trop facile à réaliser ces patrouilles : les loups blancs ne bougeant pas, les mouettes se créent ainsi que les kangourous. André et Frédéric sont les C.P. respectifs, mais les jeunes — pour les patrouilles — ne se décident pas. Les jumeaux ne veulent pas être séparés et personne n’en veut.
L’arrivée de deux amies des chefs interrompt la discussion. Richard m’envoie jouer une partie de béret dans la pâture avec les scouts pour leur changer d’air. C’est là que je constate la principale utilité de ce couvre-chef dans la pédagogie de mes collègues !
Simple… Chaque joueur a un foulard dans le dos, glissé à moitié dans le ceinturon ou le pantalon. Deux équipes où chaque joueur est numéroté en secret, se tenant à égales distances d’un béret posé au sol… et à l’appel d’un numéro, les deux protagonistes doivent tenter de ramener au plus vite le béret dans leur camp sans se faire prendre le foulard par l’autre…
Après une demi-heure de jeu où l’arbitrage n’était pas inutile, Richard vient nous chercher. Il nous annonce la surprise :
Richard expédie la réunion :
Comme cela, il n’y a plus à discuter.
Seize heures quarante-cinq, la réunion se termine. Des parents viennent chercher leurs enfants. Je fais la connaissance de quelques mères : Madame Malé, comme son fils ; la maman de Jean-Brice, aussi belle que lui. Elle me semble un peu trop serviable et vraiment très dévouée pour la cause de Richard qu’elle paraît bien connaître… C’est aussi la mère de Julien, un gars de ma classe plutôt intelligent, beau gosse, mais hélas un peu trop distant. J’avais déjà pas mal discuté avec lui. Il lui a parlé de moi, elle me propose de venir passer un après-midi chez eux, quand bon me semblera.
C’est Madame Chamars, la maman de Serge, qui me réserve l’accueil le plus sympathique. Elle a l’air ravie de me voir prendre du service, car elle ne semble guère apprécier Jérôme et Richard. Ils m’ont d’ailleurs prévenu : “c’est une enquiquineuse, une peste, elle se mêle de toutes nos affaires…” En effet, elle veille sur l’argent du groupe en attendant un bénévole pour tenir la trésorerie. Je me rends compte que c’est une femme de confiance. Cela me rassure. J’espère m’appuyer sur elle, si cela s’avère nécessaire.
La troupe vivote. Richard ne paraît pas trop sérieux avec l’argent des autres : les coupons d’assurance sont périmés, je ne retrouve plus le matériel scout qui existait il y a encore deux ans.
Il est temps de mettre un peu d’ordre dans tout cela.
« Si tu veux l’aventure,
viens nous rejoindre avec tes copains au local des scouts,
place de l’église, à 14 heures ».
Le foulard du groupe n’est plus le même. Ma chemise a été donnée par ma mère à un cousin fraîchement monté à la Troupe. De toute façon, elle ne m’allait plus.
Jérôme, bien gentiment m’a prêté les deux pièces manquantes. Avec un grand plaisir je retrouve dans mes cartons à trésors tous les souvenirs des derniers camps.
Peu de photos malheureusement, mais tout s’entrechoque dans ma mémoire lorsque je prends mon vieux foulard et sa bague, mon dizainier — que j’avais abandonné — et aussi mes badges, ma croix de promesse.
Ah, ces camps d’été : les Vosges, le Bourget où nous étions des milliers avec l’accueil du Pape, le Cantal, le Jura… que d’aventures. C’était une superbe époque. Des chefs à la hauteur pour proposer des jeux grandioses, ainsi que des services comme la soirée pour les habitants d’Anost : avec les aînés et les louveteaux ! Deux heures de spectacle et des crêpes offertes au public… ça, c’était du boulot !
François, Raphaël, Laurent et le chef, Bernard, aussi… oui…surtout !
Beaucoup, énormément de souvenirs qui me donnent un très grand espoir.
J’arrive le samedi vers treize heures trente — à vélo — avec ma tenue. Ma mère m’a cousu un revers sur un vieux pantalon bleu qu’elle a coupé bien au-dessus du genou. J’apporte avec moi quelques bouquins de chants et mon livre de route retrouvé parmi tous mes trésors.
Le local est toujours à côté de l’église — dans l’impasse qui mène au collège — avec sa porte trop basse, où tout le monde se cogne la tête.
Rien n’a vraiment changé depuis mon départ il y a bientôt deux ans. La rivière est toujours aussi sale, des orties pour tout ornement. Il y a aussi la vieille carcasse de la deux chevaux, ainsi que la charrette que j'ai vu tirée par un âne… souvenirs grandioses abandonnés des aînés. Cela fait bien cinq ans ou plus qu’elles gisent là, dans notre pâture…
Le paysage m’est bien familier : les fenêtres du collège donnent sur le terrain.
Trois scouts sont déjà arrivés ; remontant de la rivière, ils viennent à ma rencontre.
C’est le plus petit, à l’œil vif, qui se lance :
- — Tiens les gars, un nouveau chef ! Salut, je m’appelle Jean-Brice et je suis le chef de patrouille, le C.P.(2) des Loups Blancs. Lui c’est Pierre-Olivier : dit P.O… mon meilleur copain, et le gros, c’est Grégory. Voilà ma patrouille. On n’est qu’à trois, mais c’est un début !
- — Jean-Brice a tout dit. À toi maintenant. Je t’ai déjà vu au collège. T’es en première ou en terminale ? Tu viens ici pour remplacer Jérôme ?
C'est Pierre-Olivier qui vient de prendre la parole. Je serre les mains tendues et tente d’en placer une. Ai-je trouvé plus bavard que moi ? Me voilà devant deux intellectuels et un endormi. La patrouille des Loups Blancs — un nom davantage utilisé pour une sizaine(1) — a fière allure.
Je me remémore la patrouille des Castors dans la bande dessinée… j’essaie de placer des totems sur les têtes de ces trois jeunes… non c’est trop cocasse. Dans leur parodie d’uniforme, je pense qu’il est impossible de leur trouver quelque chose de commun, même pas un insigne cousu de la même manière… Vous parlez d’une uniformité ?
Je me présente : Philippe de Bourlon… un ancien scout de retour. Non pas ici pour être chef, mais assistant… proposé pour aider Jérôme et Richard.
- — Quel est votre programme ? demandais-je à Jean-Brice.
- — Eh bien, pour aujourd’hui, on doit retaper le local. Le remettre à neuf…
- — Vous avez du matériel ?
- — Oui, chacun de nous doit apporter des restes de peinture, pinceaux et chiffons. Moi j’ai trouvé deux vieux pots. Les autres doivent aussi en apporter. On fera des mélanges.
C’est la principale activité des scouts dans ce local : la rénovation.
De nouvelles têtes en vue. C’est le reste de la troupe je suppose.
Les jumeaux : deux gamins trop jeunes et chahuteurs ; Bruno, un gars sans relief dont je n’arrive pas à fixer le regard ; André Malé, un petit prétentieux. Arrivent aussi Serge et Frédéric, difficiles à cerner, et Franck, un louveteau attiré par les scouts : un blond espiègle et bagarreur.
La mini-troupe semble au complet… sans les chefs.
Je commence bien mon boulot.
À part les jumeaux qui semblent vraiment trop enfants et pénibles, j’ai finalement le sentiment qu’il y a de quoi faire la base pour une bonne troupe scoute.
Il ne faut surtout pas parler uniforme : pas une seule chemise ou pantalon et short n’ont la même couleur. Ne parlons pas non plus de leurs fameux bérets basques !
En attendant les chefs — souhaitant faire plus ample connaissance — nous nous assoyons sur le trottoir pour discuter.
- — Qui a fait sa promesse ?
- — Personne encore, dit Jean-Brice, mais on a demandé et Jérôme a promis que l’on verrait ça au prochain week-end.
- — Qui souhaiterait la faire ?
- — Tous, pourquoi ? Sans ça on ne peut pas avoir de progressions et de badges, alors que normalement je devrais avoir celui de C.P. déjà depuis Pâques…
Enfin arrivent les chefs, dans leur vieille 403 aux couleurs du groupe : bleu et blanc, le groupe Notre Dame…
Qui le sait encore ?
- — En retard à cause de problèmes mécaniques… ce n’est pas bien grave, me dit Jérôme. Je vois que tu as fait connaissance. Tu parais adopté. Tant mieux. Tu penseras à acheter un béret ? On en vend au bar-tabac à côté du beffroi.
- — Allez, on démarre tout de suite la réunion car il y a du travail : il faut refaire les patrouilles avec les nouveaux, donner des noms et faire les staffs. Il y aura une surprise après.
- — Oh Richard… t’avais dit qu’on faisait de la peinture ! se plaint Jean-Brice.
- — La prochaine fois. Aujourd’hui y a du nouveau, il faut agir.
Pas trop facile à réaliser ces patrouilles : les loups blancs ne bougeant pas, les mouettes se créent ainsi que les kangourous. André et Frédéric sont les C.P. respectifs, mais les jeunes — pour les patrouilles — ne se décident pas. Les jumeaux ne veulent pas être séparés et personne n’en veut.
L’arrivée de deux amies des chefs interrompt la discussion. Richard m’envoie jouer une partie de béret dans la pâture avec les scouts pour leur changer d’air. C’est là que je constate la principale utilité de ce couvre-chef dans la pédagogie de mes collègues !
Simple… Chaque joueur a un foulard dans le dos, glissé à moitié dans le ceinturon ou le pantalon. Deux équipes où chaque joueur est numéroté en secret, se tenant à égales distances d’un béret posé au sol… et à l’appel d’un numéro, les deux protagonistes doivent tenter de ramener au plus vite le béret dans leur camp sans se faire prendre le foulard par l’autre…
Après une demi-heure de jeu où l’arbitrage n’était pas inutile, Richard vient nous chercher. Il nous annonce la surprise :
- — Nous partons samedi prochain en week-end. Il faut le préparer. C’est pour la montée de Franck et des jumeaux. Il y aura tous les louveteaux, nous, les guides dont la branche a repris cette année, et même peut-être les pionniers, s’ils veulent venir.
- — J’ai rien oublié, Jérôme ? Ah si, prévenez si vous ne venez pas. Qu’on n’achète pas trop de nourriture. Et puis arrivez en uniforme, avec le béret.
- — Qu’est-ce qu’on va faire ? demande Serge.
- — J’ai prévu un jeu de nuit, et aussi un grand jeu de piste avec tout le monde, et il y aura les montées.
- — Y aura pas la messe ? demande l’un des jumeaux.
- — Si, c’est obligé. Corentin, l’aumônier, vient pour nous. Vous savez, c’est un camp important parce qu’il y aura tout le monde.
- — Et les promesses ? s’inquiète Jean-Brice…
- — Bientôt. Cette fois-ci, ce n’est pas possible.
Richard expédie la réunion :
- — Les C.P., vous prenez de quoi faire les staffs et vous les faites chez vous. Il les faut pour samedi. Les jumeaux, vous irez chez les kangourous avec André et Bruno. Franck tu vas chez les mouettes avec Serge et Frédéric.
Comme cela, il n’y a plus à discuter.
Seize heures quarante-cinq, la réunion se termine. Des parents viennent chercher leurs enfants. Je fais la connaissance de quelques mères : Madame Malé, comme son fils ; la maman de Jean-Brice, aussi belle que lui. Elle me semble un peu trop serviable et vraiment très dévouée pour la cause de Richard qu’elle paraît bien connaître… C’est aussi la mère de Julien, un gars de ma classe plutôt intelligent, beau gosse, mais hélas un peu trop distant. J’avais déjà pas mal discuté avec lui. Il lui a parlé de moi, elle me propose de venir passer un après-midi chez eux, quand bon me semblera.
C’est Madame Chamars, la maman de Serge, qui me réserve l’accueil le plus sympathique. Elle a l’air ravie de me voir prendre du service, car elle ne semble guère apprécier Jérôme et Richard. Ils m’ont d’ailleurs prévenu : “c’est une enquiquineuse, une peste, elle se mêle de toutes nos affaires…” En effet, elle veille sur l’argent du groupe en attendant un bénévole pour tenir la trésorerie. Je me rends compte que c’est une femme de confiance. Cela me rassure. J’espère m’appuyer sur elle, si cela s’avère nécessaire.
La troupe vivote. Richard ne paraît pas trop sérieux avec l’argent des autres : les coupons d’assurance sont périmés, je ne retrouve plus le matériel scout qui existait il y a encore deux ans.
Il est temps de mettre un peu d’ordre dans tout cela.
————————————————— notes :
[1] Sizaine : équipe de 6 louveteaux. La patrouille est le nom donné aux 8 scouts, plus âgés.
[2][2] C.P. : chef de patrouille.
[1] Sizaine : équipe de 6 louveteaux. La patrouille est le nom donné aux 8 scouts, plus âgés.
[2][2] C.P. : chef de patrouille.
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Chapitre II
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